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L'art de l'ennui

Comédie absurde - 4 personnages (hommes et/ou femmes) - Environ 1h

Noir sur le plateau, les quatre personnages sont en place dans un léger halo de lumière isolé (douche de lumière).
A et B sont assis dos à dos. C regarde au loin, marche un peu, regarde au loin… D est allongé.
La lumière s’intensifiera progressivement au début de leur jeu. Jusqu’à éclairer plus tard totalement le plateau.

D
Allons bon… quel ennui !
Silence.
B
Cyrus, tu regardes au loin. Mais que vois-tu… puisqu’il n’y a rien à voir ?
Qu’attends-tu ?
C
Je regarde Berthold… j’attends… j’espère. Comme ça je ne pense pas. Je regarde. Je marche.
C marche. Silence.
A
Après un bruyant soupir,
J’en ai marre.
Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
B
Maintenant ? Pourquoi maintenant ? Avais-tu l’impression de faire quelque chose il y a deux secondes…
C
Ou il y a 10 min…
D
Ou il y a une heure… ?
B
Pourquoi maintenant ? C’est absurde comme mot. Cela ne nous concerne pas.
C
Cela ne concerne plus…
D
Ce mot ne nous correspond plus.
A
Ok, j’ai compris le concept. Merci de me rappeler que…
D
Nous ne sommes plus rien…
C
Nous ne sommes nulle part…
B
Nous ne sommes personnes.
A
Oui. C’est ça. Rien, nulle part, personnes…
Réjouissant cela mes amis !
Parlons d’autre chose voulez-vous.
B
Pourquoi pas ?
C
Essayons toujours…
D
De quoi parlerons-nous ?
C
De…
B
De…
A
Allons forcez-vous ! Soyez inventifs !
Sommes-nous devenus écervelés ?
B
Pourquoi devenus…
A
Quoi… ?
C
Devenus, implique une notion de temps…
D
Hors nous ne sommes nulle part !
A
Assez ! Assez de ce pessimisme ! Soyez un peu plus constructifs…
Silence.
Ironique,

Je vous prie d’excuser mon saut d’humeur, mais, nous savons dans quelle situation nous sommes…
Enfin nous savons dans quelles situations nous ne sommes pas, c’est déjà ça.
Est-ce là une raison pour se punir encore plus ?
Alors que nous ne savons même pas pourquoi nous sommes ainsi ?
Pourquoi nous sommes ici ?
Profitons de… ça, de maintenant, de nous.
B
Tu as raison.
C
C’est vrai, profitons-en…
D
Changeons-nous les idées après tout. Cela ne nous coutera rien, hormis de repousser cette impression de…
C
vide…
B
Néant…
A
Mes amis !! Allons…
B
De quoi parlerons-nous Annabelle ?
Silence.
A
Je ne sais pas… aidez-moi.
Berthold ?
B
Pas d’idée.
A
Dolorès, ma vieille amie, sois inspirée… de quoi voudrais-tu que nous causions ?
D
Pas d’idée…
A
Cyrus… Cyrus ! Arrêtes de regarder ce qui ne viendra jamais !
Viens t’assoir avec nous et parles nous.
C les rejoint et s’assoit.
D
Pas d’idée Annabelle. Pas d’idée…
A
Soupire,
Allez-vous rester là à ne rien faire ? A ne rien dire ?
B
Mais… que pouvons-nous faire ? Que pouvons-nous dire ?
Nous sommes bloqués.
C
Et nous ne savons même pas pourquoi.
D
Ni comment.
C
Ni où…
B
Ni quand.
C’est dur de penser à autre chose.
A
Tu plaisantes. Dur de penser à autre chose qu’à rien !
Cela fait des heures, des mois, des années qu’en sais-je, que nous sommes là, assis, debout, couchés, marchant, piétinant, dormant… mais toujours là !
D
Toujours là !
C
Toujours là ! Bloqués.
B
Toujours bloqués par on ne sait quoi…
Mais tu as raison Annabelle. Cela a trop duré. Mes amis ressaisissons-nous.
Changeons nos pensées !
C
Changeons nos pensées, laissons notre ennui s’enfuir au grès du vent… et profitons !
D
Profitons de ce… temps, lieu, moment… et parlons !
D se lève.
C
Parlons !
C se lève.
Et pour autant que cela soit possible, laissons-nous aller…
B
Laissons-nous aller à nos pensées les plus folles puisque rien ni personne ne nous arrêtera… B se lève.
C
Que rien ni personne ne nous entendra…
D
Que rien ni personne ne nous en empêchera !
A
Merci mes amis ! Je préfère vous voir ainsi ! Cela me réjouit.
A se lève
Allons… de quoi rêvez-vous alors ?
Blanc gêné… puis ils se détournent de A.
Ah non vous n’allez pas recommencer !
Cyrus, de quoi rêves-tu quand tu fixes inlassablement l’horizon ?
C
Je ne rêve pas Annabelle. Je regarde.
D
Allons, tu dois bien avoir quelque idée en tête. Tu réfléchis tout le temps… parle. Dis-nous…
C
Rêveur, réfléchit un long moment,
Je regarde… j’observe.
Je guète.
En avançant, C se détache de ses camarades.
Peut-être que quelque chose, ou quelqu’un viendrait à passer. Et ce serait bête, ce serait dommage de le manquer, nous sommes si seuls… Quelqu’un…
Peut-être qu’il s’arrêterait, qu’il viendrait à nous. Peut-être qu’il nous parlerait, nous raconterait qui il est, d’où il vient. Il nous raconterait sa vie, sa ville, sa maison, sa famille, ses amis, ses problèmes, ses joies, ses peines. Il nous… Peut-être…
C revient à la réalité, va vers les autres.
Mais c’est absurde. Il n’y a jamais rien eu, ni rien ni personne d’ailleurs !
Vous devez me prendre pour un fou !
D
Non Cyrus, non. Continues je t’en prie.
B
Tu n’es pas fou Cyrus, ou alors nous le sommes tous !
A
Continues Cyrus, je t’en prie !
C
Mais… c’est tout.
B
C’est tout ?
B s’assoit.
C
Oui.
C s’assoit.
A
C’est tout…
A s’assoit.
D
Il rêve que quelqu’un vienne à nous. Il espère qu’il y ait encore quelque chose d’autre, quelque part. Quelqu’un d’autre.
C’est naturel après tout, de rêver que nous ne sommes pas les seuls !
Qu’il y a d’autres gens.
D’autres lieux.
D’autres instants. Il s’assoit.
B
C’est naturel en effet.
A
Je crois que nous rêvons tous de la même chose finalement !
B
Je crois bien.
D
Il me semble aussi.
C
Je… nous avons tous le même espoir. N’être pas seuls.
C’est plus que naturel. Cela nous évite de devenir fous après tout.
Pourquoi continuerions-nous s’il n’y avait plus rien.
Plus personne.
Nulle part.
Le vide, le néant.
Rien que ce lieu, cette plaine où nous sommes depuis…
Rien que cet endroit, cette herbe, ce vent, ce ciel. Et vous, mes amis. Nous quatre. Rien que nous quatre.
Et après… là-bas. Rien. Personne, nulle part.
C’est effrayant vu comme ça n’est-ce pas ?
Silence.
Ainsi, oui, je préfère regarder et espérer.
Il se relève et recommence son petit train-train ; marche, regarde, marche…
Je préfère rêver à ce quelque chose d’autre.
Pour ne pas finir fou.
Silence… Il change de regard, devient gai.
Mes amis, profitons !
Puisqu’il n’y a rien ni personne !
Inventons-nous notre monde !
D
Oui Cyrus a raison ! Créons ce qui n’est pas !
D se lève.
B
Et inventons ce que nous voulons qu’il soit.
B se lève.
D
Laissons-nous aller au grès de nos imaginations !
B
Oui, laissons-nous porter…
A
Parfait ! Qui commence… ?
A se lève.
Ils se regardent, s’épient… C se jette finalement à l’eau.
A partir de là, ils seront tous rêveurs, passionnés par leurs histoires…
C se met à marcher, d’un pas décidé, silencieux. Les autres le regardent…
C leur fait signe de le suivre, ils lui embrayent le pas, prenant le même air convaincu. B ferme la marche.
Ils marchent en silence puis… A
se lance.
A
Nous sommes dans le désert…
Ils se mettent tous à avancer lourdement, les pieds pleins de sable, accablés par la chaleur…
D
Trop chaud, trop grand et surtout trop vide Annabelle. Essayons autre chose.
Un temps de réflexion.
Si nous étions dans un lac ?
Ils se mettent à nager, allégrement, regardant à droite et à gauche, s’aspergeant… rieurs.
Mais ils n’ont pas vu B qui s’est débattu quelque temps, puis s’est finalement noyé ne sachant pas nager. Il s’assoit finalement, boudeur.
Les autres le voient enfin, et s’arrêtent, encore dans l’eau.

C
Allons Berthold, que fais-tu assis au fond de ce lac ?
Sais-tu respirer sous l’eau ?
B
Non monsieur.
D’ailleurs, tel que vous me voyez, je ne respire plus ! Je viens de me noyer et vous ne m’avez même pas prêté attention, ni secours.
A
Enfin Berthold, nous nagions et nous ne t’avons pas vu, c’est tout. Tu aurais dû appeler.
D
Mais pourquoi as-tu si prestement coulé mon ami ?
A
Oui pourquoi ?
C
Pourquoi Berthold ?
B
Bougon,
Mais je ne sais pas nager !!
D
Allons bon ! Tu aurais dû nous le dire…
C
Nous voilà bien ! Dommage, l’eau était pourtant si bonne.
A
Je crois que nous devrions laisser tomber cette idée Cyrus. Dolores.
B
Et je vous en serais reconnaissant !
Les trois lâchent leur jeu dans l’eau.
A
Bien, continuons alors…
Ils marchent, neutres, en file…
D
Berthold, si tu as une idée…
B
Je propose que nous soyons à … à la montagne !
Une grande et belle montagne.
Nous nous arrêtons sur un versant, là où le terrain nous le permet.
Ils s’arrêtent.
Nous nous posons et nous contemplons l’immensité qui nous entoure…
Ils regardent autour d’eux, ensemble.
Nous sommes émerveillés par la beauté des lieux...
Ils s’émerveillent ensemble.
Subjugués par la nature…
Ils sont subjugués.
Surpris par le calme et l’impression de sérénité qui règne dans ce lieu protégé…
Ils sont surpris et heureux.
Nous nous reposons…
Ils s’assoient d’un seul homme.
Harassés par notre journée de marche, et nous nous laissons aller en ce lieu magique.
Ils s’étalent, couchés au sol.
Ils se redressent avant de parler.

A
Pourquoi à la montagne Berthold ?
B
Pourquoi pas ?
C
C’est bien la montagne.
Peut-être sommes-nous… des explorateurs !
D
Oui ! Des explorateurs !
A la recherche d’un… truc !
Ils se lèvent un par un avant de parler, fiers, en bombant le torse.
A
Nous explorons une montagne inconnue, dangereuse.
B
Que personne n’avait jusqu’ici osé braver !
C
Des pionniers. Nous sommes des pionniers.
D
Des pionniers.
D se déplace pas à pas avant chaque phrase, les autres l’imitent.
Et cela fait maintenant 38 jours que nous sommes partis…
Nous avons bravé de sombres forêts.
Nous avons traversé d’immenses étendues désertiques.
Nous avons combattu un fleuve dont la force du courant aurait déporté un éléphant, un fleuve dont nous avions du mal à discerner l’autre rive, si loin, et si embrumée…
Une fois le fleuve franchi… la montagne !
Enfin ! Notre montagne…
Ils font mine de contempler une montagne immense.

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Pour obtenir le texte complet, merci de me contacter par mail SVP.

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L'art de l'ennui: Bienvenue
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